Par Antoine Desrues
28 juin 2024
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Après avoir produit et scénarisé le diptyque des Trois mousquetaires, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière s’attaquent à l’autre chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, en passant cette fois à la mise en scène. Budget massif et casting cinq étoiles, la production de Pathé et Chapter 2 a mis toutes les chances de son côté pour cette relecture portée par Pierre Niney. Mais est-ce suffisant ? Réponse dans cette critique, et dans les salles à partir du 28 juin.
C’est un fameux Dumas
Avec Les Trois mousquetaires (et dans une moindre mesure, Astérix : L’Empire du Milieu), Pathé a affirmé sa volonté de réinvestir le blockbuster à la française, en se basant sur des classiques de la culture locale déjà maintes fois adaptés. On pourra juger l’approche quelque peu passéiste, mais il convient aussi de saluer ce sursaut, en quête d’un cinéma populaire tricolore qui souligne ses spécificités. Reste que cette belle intention n’excuse pas tout, en particulier le choix d’un réalisateur inadapté à un projet d’une telle ampleur.
Le problème des Trois mousquetaires, c’était l’incapacité de Martin Bourboulon à embrasser le grand spectacle, à commencer dans des choix d’adaptation beaucoup trop littéraux, qui n’arrivaient jamais à sortir du côté feuilletonnant de l’écriture d’Alexandre Dumas. Ajoutez à ça la laideur de sa photographie et ses velléités stylistiques fainéantes (les plans-séquences à chaque scène d’action, le summum de la fausse bonne idée qui brise toute tension et toute scénographie), et vous avez là un pétard mouillé bien décevant.
Autant dire que Le Comte de Monte-Cristo avait fort à faire pour convaincre. Allait-il entériner la nature de crash test de ce “Dumas Cinematic Universe”, ou allait-il retenir les erreurs de ses prédécesseurs ? On avait des doutes, étant donné que l’équipe créative est globalement la même. Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte étaient scénaristes et producteurs des Trois mousquetaires. Ils s’ajoutent désormais la casquette de réalisateurs. A notre surprise, ça fait toute la différence.
Il est comte-rarié
Cette fois, la mise en scène s’accorde vraiment au souffle romanesque du livre. Avec ses masques et ses jeux de faux-semblants, Monte-Cristo est par essence une œuvre de la mise en scène, d’une théâtralité assumée. Cette artificialité, le duo de réalisateurs l’aborde sans détour, par une mise en valeur permanente d’une production design inspirée et grandiloquente. Pas de rationalisation ou de photographie maronnasse pour supposer un quelconque naturalisme. Lorsqu’est révélé le trésor des Templiers dans une crypte mystérieuse, le film s’amuse de son imaginaire aventureux, et l’investit pleinement pour donner vie à la vengeance longuement maturée d’Edmond Dantès.
Des cellules du château d’If au sous-sol stylisé qui accueille les secrets du Comte, Delaporte et de La Patellière cochent les cases avec un plaisir communicatif, et trouvent un certain équilibre entre une sobriété bienvenue et quelques élans de modernité dans le filmage (des plans de drone discrets, une courte focale resserrée dans le tunnel creusé par Dantès, un montage un peu plus ramassé…).
Là réside la plus grande qualité du long-métrage : contrairement aux Trois mousquetaires, il ne cherche jamais cette posture pseudo-cool qui jouerait avec des modes. Ce Comte de Monte-Cristo sauce 2024 sait ce qu’il veut être : l’héritier logique des classiques du genre des années 90 (Cyrano de Bergerac, la Fille de d’Artagnan).
Il en retrouve la dimension épique, et un sens du rythme assez impressionnant pour une fresque de la sorte qui s’étale sur trois heures. Certes, les baisses de régime sont assez inévitables, et le travail d’adaptation des deux cinéastes interroge à plusieurs reprises. D’un côté, leur écrémage se montre souvent habile, surtout lorsque des personnages secondaires se voient réduits ou fusionnés. De l’autre, on ne peut pas s’empêcher de trouver certains passages précipités, à commencer par celui du bagne.
Le blockbuster français de l’année ?
Si ce manquement constitue une petite déception, c’est bien parce que Le Comte de Monte-Cristo fait globalement l’effort de se structurer sur son rapport au temps ; un temps assassin qui brise les rêves des individus, et un temps que son protagoniste cherche en vain à récupérer, quitte à s’embarquer dans une justice solitaire et démiurgique qui le consume à petit feu.
Là où Les Trois mousquetaires sautait du coq-à-l’âne comme un gamin hyperactif, Delaporte et de La Patellière ne font pas qu’adapter machinalement le côté feuilletonnant de Dumas. Ils donnent à leurs séquences le temps d’exister, de s’immiscer tel un poison dans la vie et les tourments de leurs personnages, en cherchant toujours le gros plan pour capter sur le visage de leurs comédiens les bascules du récit.
Ce n’est pas toujours très fin (et peu aidé par certains raccourcis narratifs grossiers), mais peut-on totalement le reprocher à un film qui vise en premier lieu les grands sentiments ? A l’image de son anti-héros, Le Comte de Monte-Cristo est souvent sur la corde raide, comme si les fondations du monument de la littérature qu’il adapte étaient régulièrement sur le point de s’effondrer.
Néanmoins, l’ensemble maintient son cap, notamment grâce à son argument de poids : la qualité de sa direction d’acteurs. Patrick Mille, Bastien Bouillon et Laurent Lafitte s’en donnent à cœur joie avec le trio de méchants qu’on adore détester. Anaïs Demoustier et Anamaria Vartolomei apportent à Mercédès et Haydée une finesse et une ambiguïté fascinantes. Tout le monde est au diapason dans cette approche lyrique, qui sied particulièrement à Pierre Niney. C’est sur ses épaules que repose notre investissement dans la vengeance maladive d’Edmond Dantès, et il nous embarque sans problème dans les trois heures de ce programme déséquilibré, mais plutôt charmant.
Rédacteurs :
Antoine Desrues
Résumé
Si l’adaptation souffre forcément d’une transposition en un seul film de trois heures, Le Comte de Monte-Cristo possède un vrai souffle romanesque, qui doit autant à sa fabrication élégante qu’à la qualité de son casting, Pierre Niney en tête.
Tout savoir sur Le Comte de Monte-Cristo
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M1K4N3S
il y a 4 mois
Je rajouterai un point positif à ce film : la BO. Souvent oubliable dans les films d’aventure, celle-ci transcende à chaque scène !
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Teemo1977
il y a 4 mois
Trois heures de film, ma compagne: «je m’endors déjà sur un épisode d’une série, je vais pas voir la fin.»
Malgré tout, nous y allons. La salle est bondée (fête du cinéma oblige), le noir se fait, le film commence…
Trois heures plus tard, elle me regarde et me dit: «Je n’ai pas vu le temps défilé».
C’est une des premières forces du film, le rythme, l’intrigue (nous n’avons pas lu ce Dumas), tout fonctionne à merveille.
Voilà du cinéma comme j’aime, romanesque presque grandiloquent, mais qui mérite d’être vu en salle.
Je vais donc donner mon point de vue, j’ai vu un film et non une adaptation d’une oeuvre que j’ai lu, cela joue dans ma façon de voir et de poser ma critique.
L’Histoire, d’abord: Et bien quand on a quelque chose à raconter, plus qu’une idée à moitié posée sur un bout de papier, un fil, c’est consistant. L’image est belle, les décors sont beaux, même si parfois j’aurai aimer quelques plans plus larges sur Paris, ou sur l’ïle de Monte Cristo. Je m’interroge sur le château, si il est réel (mais j’ai des doutes) je veux absolument le visiter.
La musique, sans être inoubliable, habille bien le film. La chanson d’Haydée est juste envoutante.
Les acteurs sont tous absolument fantastiques, avec un petit côté suranné dans le jeu, mais qui va bien avec l’époque (du moins l’image que je m’en fais). Les trois salopards sont joués à merveille (il faut reconnaître que Lafitte incarne bien les salauds). J’avais peur pour Niney, car même si je n’avais pas lu le livre, pour moi le comte était un personnage assez massif physiquement, mais au final, le côté longiligne de Niney lui sied bien, affuté comme l’épée de la vengeance.
La magie, que procure le cinéma, était là: cet émerveillement de se faire conter une histoire.
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Neji
il y a 4 mois
C’est super ça a l’air trop bien Pierre niney il est magique , le duo de réalisateur de génie qui nous avait offert les trois mousquetaires sont de retour, avec cette fresques romanesque de Dumas.
Je vais y aller avec toute ma famille et mes cousins.
Ce commentaire vous convient plus.
Merci et à jamais à tout jamais
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Neji
il y a 4 mois
Un minimum de vraisemblance ne nuit pas aux œuvres de fiction…
cette daube rien qu’à la vue de la BA.
Le crawl que pratique Edmond Dantès n’existe pas à cette époque , Le château d’If n’est pas une île isolée au milieu de la Méditerranée,la traite est interdite en France depuis 1815, un décret de Napoléon a été confirmé par Louis XVIII. Ect ect..
Détails, direz-vous.
Anaïs Demoustier ( la quarantaine) pour jouer la toute jeune Mercédès, quinze ans plus tard, elle n’a pas changé,logique.
Julie de Bona, à 44 ans, joue les jeunes filles enceintes, c’est ridicule .
Tout ce qui dans le roman renvoie à l’Histoire est gommé , persuadés sans doute que le public est aussi ignare qu’eux.
Vous êtes bien clément avec cette daube de téléfilm de luxe..
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Birdy l'inquisiteur
il y a 4 mois
Peu de com’ sur ce film qui vient de sortir, en même temps, les miens disparaissent qqes minutes après leur apparition : bug ?
Voir les réponses (2)
Birdy l'inquisiteur
il y a 4 mois
Le film mérite vraiment sa chance, tout est de qualité, du casting à la mise en scène, dans une direction artistique que je n’ai pas vu à ce top depuis Au revoir La haut.
Si nos réalisateurs pouvaient s’attaquer à notre patrimoine littéraire avec autant d’envie, j’irai sans doute bien plus souvent voir des adaptations françaises.
Birdy l'inquisiteur
il y a 4 mois
Vu hier soir, et j’y ai trouvé exactement ce que j’espérais : un film solide, qui s’appuie sur une histoire intemporelle, avec une belle interprétation de Niney.
La (double) révélation du film : le duo amoureux du fils et de la jeune Anamaria. Il apporte la fraicheur qui contre balance la noirceur où tombe le maudit Edmond.
Tout le reste est au diapason : direction artistique, découpage de la mise en scène, montage, musique : c’est pas du niveau d’un Gladiator (vengeance aussi) mais pur un film français : foncez.
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fred13
il y a 4 mois
je l’ai vu et que dire … quasiment aucune scène d’action, beaucoup de dialogues très littéraires, aucun temps mort car beaucoup de choses à raconter … au final plutôt pas mal grâce aux acteurs …
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curiosité
il y a 4 mois
je suis très intéressé par la fin de cette version 2024 ; est-ce que comme le navet de mme Dayan, monte cristo à la fin pardonne et repart avec son ex ou alors , comme chez Dumas le héros part avec Daydé ….
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Voir les réponses (3)
Marc en RAGE
il y a 4 mois
J’ignore si c’est une adaptation à 100 % fidèle au roman de DUMAS en tout cas ils ont mis les moyens et Pierre Niney est remarquable dans son interprétation de DANTES. J’aurais réduit le film de 20 minutes il y a des longueur.Sinon le Compte de Monte Christo est l’example ce que les film français sontcapables de réaliser de bon films passionnant.
☆☆☆☆